dimanche 22 janvier 2012

Pourquoi ne pas réfléchir ensemble au web de demain ?

-> Photo empruntée à YourAnonNews. Merci pour le prêt :-)
La rébellion gronde sur le web depuis quelques jours.Alors que les internautes anonymes se mobilisent, pourquoi ne pas réinventer ensemble un système de partage et de paiement simplifié des droits des artistes sur le web? Pourquoi ne pas se poser la question: “Quel prix accordons nous à la culture ?”. 
Vous souvenez vous du mouvement “Touche pas à mon pote”? C’était le slogan de l’association SOS Racisme créée en 1984. Aujourd’hui, ce slogan m’est revenu en mémoire, très légèrement transformé, “Touche pas à mon web” ou “Don’t Touch my web”. A l’époque, nous partions manifester à Paris en bus. Pour être entendus des pouvoirs publics, nous descendions dans la rue encadrés par les services de l’ordre. Nous avions la rue pour crier notre rage et nos désaccords. Aujourd’hui, cette génération n’a plus les même cadres et les mêmes lieux d’expression. Les choses ont changé. Bien changé.
Les cadres, les règles  et la façon de les faire respecter ne peuvent plus s’exprimer de la même façon.
Si cette nouvelle génération dispose  de la rue pour exprimer son mécontentement (mouvement Occupy, mobibilisation des Anonymous devant le Congrès américain...), elle dispose d’un lieu de rébellion supplémentaire: le web.

Ils ont grandi ensemble

Ainsi, dans le cadre de la mission d’enseignement qui m’est confié dans un département consacré aux Métiers du Web, j’observe mes étudiants, j’échange avec eux, nous débattons et j’assure un travail de veille dense et passionnant. Si j’observe mes étudiants pour mieux les comprendre, j’observe également les passionnés du web, jeunes et moins jeunes, dans leur pratique du web.
J’ai noté deux choses: Le web semble presque leur "appartenir". C’est un frère, un ami, une compagnie. Ils ont grandi ensemble. Car soyons clairs, ils sont nés en même temps. Ils ont le même âge que le web. Cette génération dite “Y” est connectée. Ils sont nés entre 1980 et 1995.
Cette génération est considérée comme naturellement plus à l'aise que les précédentes avec les technologies de l'information, et Internet en particulier.
Internet représente leur espace de libertés, une partie de leurs découvertes et de leurs lieux d’échanges. Et, tout à coup, l’Etat français “impose” Hadopi et voilà que la justice américaine décide de mettre en place deux Lois: SOPA et PIPA.

Une rébellion multi-canale

Les internautes réagissent alors aux quatre coins de la planète et certains mouvements de défense du web, tels que les Anonymous, prennent la parole sur le web.
Il faut alors comprendre que les Anonymous s’organisent sur des canaux de prises de parole et de mobilisation divers et variés. Car, aujourd’hui, “remettre en cause le système” passe aussi par le web. Les internautes se réunissent donc de façon anonyme et se mobilisent en nombre pour bloquer l’accès à des sites qu’ils estiment aller à l’encontre des libertés sur le web. Il faut l’entendre. Ainsi, lorsque le site Megaupload est fermé par la justice américaine, les internautes anonymes bloquent l’accès au site du FBI ou encore à celui de la justice américaine.
Bien d’autres ont suivi dont celui de Universal Music. 

Pourquoi cette rebéllion ?

Parce que l’attaque leur paraît brutale? Mais peut-être aussi parce que la culture se partage sans limite selon ce mouvement? En une nuit, des milliers d’internautes apprennent la nouvelle de la fermeture de Megaupload. Il se trouve que l’arrestation des fondateurs du site intervient en même temps que les propositions des lois SOPA et PIPA.


Un site de téléchargement est mort. Vive les sites de téléchargements.

Pour certains, cela rappelle des souvenirs. A l’époque, Napster, le site web du jeune Sean Parker (qui est encore jeune aujourd’hui) est fermé car celui ci permettait de télécharger de façon illégale en mode Peer to Peer de la musique sur Internet. 
Des internautes se révoltent donc parce que le téléchargement “illégal” existe et a toujours existé?

Notons, qu'aujourd’hui Sean Parker dirige Spotify, me semble t-il. Il a cassé les règles, “hacké” un système en profondeur.
Ne faut-il pas apprendre de ce passé et réfléchir ensemble au futur ?
Sans cela, la rébellion s’organisera et se poursuivra.

Certains soutiennent alors que les organisations sont dirigées par des femmes et des hommes qui n’ont pas grandi avec le web. Comment cerné alors ses enjeux et son état d’esprit?

Peut-être faut-il écouter cette génération pour mieux la comprendre et pour mieux accepter qu’elle ne cerne les règles imposées.

Notons, que mi-janvier, la Maison Blanche s'est exprimée:"Nous considérons que le piratage sur Internet est un grave problème qui nécessite une réponse législative sérieuse, mais nous ne soutiendrons pas une législation qui réduit la liberté d'expression, augmente les risques pour la sécurité cybernétique et sape le dynamisme et le caractère innovant de l'Internet mondial". En novembre, Google, Facebook, Twitetr et eBay, signaient une lettre ouverte, parue dans le New York Times, critiquant les mesures des  lois SOPA et PIPA. Twitter a également signé cette lettre. Le site sopastrike recense tous les sites qui s'opposent au projet.




Quel prix accorde t-on à la culture ?

La vraie question à se poser n’est-elle pas: Quel est le prix que nous accordons à la culture?
La musique est en effet devenue un bien numérique alors qu’elle était avant un bien physique (cassette, CD...). Par ailleurs, certains internautes ne souhaitent plus ou n'ont jamais été habitué à rétribuer les intermédiaires que sont les maisons de disques. Quelles solutions et quelles alternatives peut-on trouver en intégrant cette nouvelle approche en matière de  bien culturel?
Comment rétribuer les artistes et les maisons de disques? Ne peut-on pas y réfléchir ensemble?


Les anonymous poursuivent l’action

Aujourd’hui, les Lois SOPA et PIPA qui proposaient des solutions en matière de téléchargelent illégal sont reportées. Attendons la suite? 
Non. La suite viendra certainement des internautes anonymes. Il y a 20 ans lorsque nous faisions grève. Nous attendions la suite. Des nouvelles du gouvernement, un rendez-vous avec un ministre. Aujourd’hui, les règles sont inversées.
Les anonymous recrutent à l’heure qu’il est sur le web des internautes pour conduire une cyberattaque plus dense que celle que nous avons connu il y a quelques jours.

Tout en sachant que si Megaupload n’est pas réintégré, d’autres sites et d’autres modes opératoires remplaceront ces usages du web. 


Ne faut-il pas calmer le jeu ?
Ne peut-on pas imaginer une juste rétribution pour le paiement de la création ?
Ne faut-il pas réintégrer Megaupload et envisager un mode de fonctionnement et de gestion différent qui protège les internautes ?
Pourquoi ne pas réinventer un système de fonctionnement du site Megaupload et plus largement du web en compagnie d'Emmanuel Gadaix, responsable des opérations de Megaupload, qui intervenait au Senat en France, il y a quelques jours sur la liberté de l’internet et la rémunération des créateurs ?
(http://videos.senat.fr/video/videos/2012/video11054.html)
Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas envisager de réfléchir ensemble au système mis en place et à des alternatives ? Pourquoi ne pas se questionner sur le prix que nous accordons à nos biens et à nos oeuvres culturelles et à notre créativité ? Pourquoi n’engagerions nous pas un débat, pourquoi n’analyserions nous pas ensemble nos pratiques du web ? Pourquoi ne pas envisager une consultation de la communauté dans son ensemble et une plateforme d’échange et de réflexion ? Car au delà de la fermeture du site Megaupload, nous disposons d'une vraie fenêtre de réflexion vers la rétribution au juste prix des oeuvres et de la créativité.

Des pistes de réflexion ;-):

Eric Freyssinet:
http://blog.crimenumerique.fr/2012/01/21/megaupload-synthese-des-faits-presentes/
Korben
http://korben.info/remplacer-megaupload.html
Soymalau
http://scriptogr.am/baptiste/post/fermeture-de-megaupload-et-sincrit-lhacktivisme





Photo empruntée à YourAnonNews. Merci pour le prêt :-)